Louis Dominique Ouédraogo, ancien diplomate, ancien fonctionnaire du système des Nations Unies, qui se définit lui-même comme un “Analphabète en quête d’alphabétisation dans sa langue maternelle” nous propose, dans cette série d’articles, de discuter de l’enjeu des langues nationales dans le développement de nos Etats. RÉAGISSEZ Le contexteLa 71ème session de l’Assemblée générale de l’ONU s’est ouverte le 13 septembre 2016 et l’ordre du jour adopté le 16 septembre comportait 173 points dont un (point 125) sur le multilinguisme. Le débat général tenu du 20 au 26 septembre a connu la participation de quelque 160 Chefs d’Etat et de gouvernement dont celle du Président Roch Marc Christian Kaboré qui est intervenu en français le 22 septembre.Le 29 septembre 2016 le Président du Faso a procédé à l’installation officielle de la Commission constitutionnelle chargée de proposer un projet de nouvelle Constitution consacrant le passage de la IVème à la Vème République. L’avant-projet soumis par la Commission propose en son article 45 une modification de l’article 35 de la Constitution actuelle concernant la langue officielle. Le XVIème Sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s’est tenu à Antanarivo (Madagascar) du 22 au 27 novembre 2016 et l’une des résolutions adoptées porte sur la promotion de la diversité linguistique.Quel rapport peut-il y avoir entre ces divers événements et la promotion des langues nationales africaines en général et celles du Burkina Faso en particulier ? Beaucoup plus qu’il n’y paraît. Le lien entre langues et cultures est si prégnant qu’il me paraît difficile de prôner à l’ONU et ailleurs le multilinguisme comme étant l’expression de la diversité et du dialogue des cultures, de pointer d’un doigt accusateur la tendance au plan mondial à l’unilinguisme anglais et à la pensée unique tout en prônant une autre forme d’unilinguisme pour assurer la défense et l’illustration d’une seule langue.Amoureux des langues, j’ai l’intime conviction que le débat à l’ONU sur le multilinguisme tout comme les prises de position de la Francophonie sur ce sujet doivent célébrer davantage la diversité linguistique des Etats membres et encourager l’utilisation de leurs langues nationales. Je rêve donc d’entendre un jour à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU le Président du Faso s’exprimer dans l’une de nos langues nationales et, pourquoi pas en langue san, la langue des Samo. Je rêve de voir dans la nouvelle Constitution qui régira la Vème République une version modifiée de l’article 35, mais différente de celle proposée par la Commission constitutionnelle. Je rêve enfin de voir nos autorités compétentes prendre des mesures plus audacieuses pour la promotion des langues nationales du Burkina Faso. Ces rêves seront détaillés en trois parties comme suit : Du San à l’ONU ? Pas de quoi voir rouge ! (1/3) Il faut modifier l’article 35 de la Constitution de la IVème République (2/3) Halte à la diglossie, vive le CaLin (3/3)L’amour des languesOui, j’aime les langues et je crois bien que cela remonte à ma tendre enfance. Du temps où j’allais au catéchisme à Kaya, la fête catholique qui m’impressionnait le plus n’était ni Noël, ni Pâques, ni l’Assomption. Non, c’était la Pentecôte ! Pas tant en raison de ces langues de feu qui descendirent sur les Apôtres, que pour la suite : « .. ils se mirent à parler en d’autres langues » et les gens rassemblés dans la foule « …étaient dans la stupéfaction parce que chacun d’eux les entendait parler sa propre langue » !( Actes des Apôtres, chapitre 2, versets 1 à 4 et 6).Pouvoir parler toutes les langues et raconter des secrets à mon frère dans une langue non comprise de nos parents, quelle aubaine ! Et s’il y avait une langue que je rêvais de maîtriser en priorité c’était le latin, persuadé à l’époque que cette langue-là était celle de Dieu…puisque c’est souvent en latin que le prêtre s’adressait à Lui, parfois en chuchotant pour que nous autres, pauvres pêcheurs, n’y comprenions pas grand chose. Il faut dire qu’en plus, j’avais une raison moins…catholique de vouloir apprendre la langue de Sénèque.Enfant, j’étais assez bagarreur. Gringalet et bagarreur comme c’est souvent le cas. Et lorsque j’avais à faire à plus fort que moi, loin d’être intimidé, j’engageais le combat. Toutefois, courageux mais pas téméraire, je savais quand me fier à mes dents…pour mordre et à mes mollets pour détaler. Pour parodier le grand Mohamed Ali (mon aîné de seulement 4 jours, et qui nous a quittés le 3 juin 2016) et son célèbre slogan lors de son match contre Georges Foreman en 1974 – « Float like a butterfly, sting like a bee » (« Vole comme un papillon, pique comme une abeille ») – , dans mon cas cela aurait été « Bite like a mosquito, run away like a hare » (« Pique comme un moustique, détale comme un lièvre »). Qui est fou ! Du coup, parmi les petits camarades, les plus gentils me surnommaient « moustique ». Les autres, plus méchants, usaient de leur latin moss