Entrent ‘iel/ielle’ et ‘iels/ielles’, exit ‘il/elle’ et ‘ils/elles’. Vers une “neutralisation” du genre en français ? par Charles Tiayon

Dans “Traduction et inclusion“, article publié le 30 septembre dernier à l’occasion de la Journée mondiale de la traduction 2021, nous engagions une réflexion sur la question de genre en ces termes : « l’objet de la traduction/l’interprétation n’est pas toujours compatible avec celui de l’agenda politique général, surtout quand celui-ci s’avère sans rapport direct avec la réalité (inter)discursive professionnellement reconnue. Par exemple, comment respecter systématiquement la neutralité tant réclamée quand, en traduction/interprétation, on a affaire, d’un côté, à une langue source peu genrée dans sa grammaire et son lexique, comme l’anglais ou nombre de langues endogènes africaines (langues kémites), et, de l’autre, une langue fortement genrée, comme l’espagnol, le français ? Quand, d’un côté, les mots ‘disease’ et ‘COVID’, etc. se conçoivent fort naturellement et systématiquement sans genre, alors que, de l’autre, ils le sont au féminin ? Autant de questions qui tendent à démontrer les limites des desiderata de l’agenda mondial face aux réalités de l’usage discursif et de l’éthique traductive/interprétative. Pourtant, l’espoir de voir ces langues genrées perdre les vieilles habitudes qu’on leur reproche reste permis, tant que la dynamique révolutionnaire de l’inclusion est en marche, tant que les communautés linguistiques concernées se laissent convaincre de l’intérêt d’une telle évolution, d’un tel changement… »

Force est de constater que : « En octobre dernier, l’institution de feu Alain Rey a accepté dans ses pages numériques le pronom personnel «iel», contraction de «il» et «elle». Sa définition : «pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. L’usage du pronom iel dans la communication inclusive (sic).» » Source : https://www.lefigaro.fr/…/l-ideologie-woke-a-l-assaut… article publié hier, le 15 novembre 2021.

Simple coïncidence ? Évolution logique ? L’usage va-t-il suivre la voie de l’intervention lexicographique ? Quelle serait la portée réelle de ces nouveaux pronoms sur le discours ? Quid des autres « langues genrées » dont il est question ci-dessus, et des autres variétés du français à travers le monde ?  Quelle serait l’implication d’une telle « évolution pronominale » en traduction du français ou vers le français ?  Il est peut-être temps que les spécialistes de la langue française et d’autres langues subjectivement genrées examinent méthodiquement la logique discursive des langues moins arbitraires en la matière. De très nombreuses langues africaines se trouvent dans cette seconde catégorie ; d’où la tendance chez certains locuteurs africains du français à omettre ou confondre la détermination du genre dans bien des cas… La faute d’hier et d’aujourd’hui pourra donc inspirer une norme de référence demain ; occasion de célébrer la diversité culturelle et linguistique qui aura ainsi permis un partenariat interculturel gagnant-gagnant…. RÉFÉRENCES :
  1. Traduction et inclusion
  2. L’idéologie woke à l’assaut du dictionnaire Le Robert
  3. Major French dictionary adds non-binary pronouns for the first time
  4. La langue française, macho malgré elle

    « Le cerveau pense-t-il au masculin ? »

    Par Pascal Gygax, Ute Gabriel, Sandrine Zufferey, éditions Le Robert, 176 pages, 18 euros. #metaglossia #traductionetinclusion

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